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Félicien Goguey, 2015-2016.
Logiciel, BeagleBones Black, switch, imprimante matricielle, papier listing, MDF, acrylique.
Masquerade fait partie de la collection de l’Espace Multimédia Gantner.
En 2013, Edward Snowden a révélé que la National Security Agency (NSA) des États-Unis surveillait l’ensemble des citoyens américains, ainsi que des citoyens d’autres pays. Ces révélations ont déclenché une vaste polémique, lancé un débat public aux États-Unis et soulevé l’indignation des dirigeants des pays étrangers concernés.
Au printemps 2015, l’Assemblée Nationale française a adopté un texte de loi relatif au renseignement proposé par le gouvernement. Celui-ci légalise, entre autres, l’utilisation de « boîtes noires » analysant l’ensemble du trafic Internet français à la recherche de comportements suspects.
Mondialement, des techniques de surveillance telles que le Deep Packet Inspection (DPI) sont utilisées. Le DPI analyse le contenu (au-delà de l’entête) d’un paquet réseau de façon à en tirer des statistiques, à filtrer ceux-ci ou à détecter des intrusions, du spam ou tout autre contenu prédéfini. Cette technique a notamment été employée lors des Printemps Arabes et par la NSA.
Je considère que de telles pratiques constituent une grave atteinte au droit à la vie privée. C’est pourquoi, j’ai décidé de créer Masquerade : un outil à la disposition des citoyens qui désirent manifester leur opposition face à la surveillance de masse.
Le principe de fonctionnement de Masquerade repose sur l’obfuscation : une stratégie de protection de la vie privée qui consiste à publier en quantité des informations (le plus souvent erronées).
Le boîtier masq, lorsqu’il est branché au réseau Internet, génère des messages suspicieux à partir de dictionnaires de mots clés, puis les envoie à d’autres masqs. L’envoi en grand nombre de ces messages crée un bruit constant sur le réseau afin de perturber la surveillance de masse opérée par les gouvernements. L’algorithme de génération des messages dispose d’une intelligence suffisante pour ne pas répéter plusieurs fois le même message ; ainsi il ne peut être repéré en tant que robot par les services de renseignement.
Masquerade n’enfreint aucune loi actuelle, étant donné qu’il ne fait qu’envoyer de simples messages comme le ferait un humain sur un service de messagerie instantanée. Le projet sera prochainement distribué sous une licence open source : son code source sera rendu public. Il n’y a aucun moyen de mesurer l’efficacité de Masquerade, mais on peut espérer que son utilisation permette d’instaurer un débat public face aux questions de surveillance de masse.
Masquerade est une proposition qui va au-delà du camouflage individuel et qui repose sur un effort collectif. Ce projet s’adresse à tout citoyen inquiet de voir son droit à la vie privée non respecté par son propre gouvernement ou un gouvernement étranger.
« La vie privée est nécessaire pour une société ouverte dans l’ère électronique. La vie privée n’est pas un secret. Une affaire privée est ce qu’un individu ne veut que le monde entier sache, mais une affaire secrète est ce qu’un individu ne veut que quiconque sache. La vie privée est le pouvoir de se révéler sélectivement au monde. » – Manifeste d’un Cypherpunk, Eric Hughes, 1993, traduit de l’anglais par Crystelle Vu.
« Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. » – Art. 12, Déclaration universelle des droits de l’Homme, 1948.
Afin de rendre le projet intelligible dans un contexte d’exposition, Masquerade est présenté sous forme d’installation.
Cette installation fonctionne localement, en dehors du réseau Internet. Un réseau de plusieurs masqs a été créé et monté sur un support vertical. Celui-ci opère exactement de la même manière qu’en conditions réelles : les masqs s’envoient de courts messages suspicieux entre-eux ; un serveur central est chargé de distribuer les messages entre les différents masqs ; enfin une imprimante matricielle imprime l’ensemble de l’activité du réseau sur du papier continu, l’accumulation des messages imprimés figure le volume de données créé par le système.
Photos: Dylan Perrenoud
Merci à Julian Oliver pour son soutien initial.